Fiscal,Patrimoine
Plus-values des particuliers
Abattement retraite et manquement de l’avocat à son devoir d’information
Le fait pour un avocat d’avoir transmis à son client un calcul de plus-value erroné tenant compte de l’application d’un abattement retraite de 500 000 €, alors que les conditions pour en bénéficier n’étaient pas remplies, constitue un manquement à son devoir d’information.
Les dirigeants de PME soumises à l’IS qui partent à la retraite peuvent bénéficier d’un abattement de 500 000 € applicable à la plus-value de cession de leurs titres pour le calcul de l’impôt sur le revenu (au PFU ou au barème) (CGI art. 150-0 D ter). Parmi les conditions requises pour en bénéficier, il faut que le cédant ait exercé dans la société dont les titres sont cédés et de manière continue pendant les 5 ans précédant la cession, une fonction de direction.
Dans cette affaire, un contribuable et une société avaient constitué, suivant acte sous seing privé du 7 novembre 2012, une SAS dans la perspective de reprendre certaines activités d’une association dont le contribuable était le directeur général et d’y adjoindre celles d’une autre société.
Le contribuable, nommé directeur général de la SAS, avait conclu un pacte d’associé avec le dirigeant de la société dont les activités avaient été reprises. Ayant été placé en retraite par l’association en mars 2017 et contraint en vertu des statuts de la SAS et du pacte d’associé de céder ses parts de la SAS, il s’est rapproché d’un avocat pour être conseillé.
La cession de la totalité de ses actions est intervenue le 4 mai 2017 pendant qu’il démissionnait de ses fonctions de directeur général dans le même temps.
Il a fait l’objet d’un redressement au titre de la plus-value mobilière déclarée à cette occasion sous le bénéfice de l’abattement retraite de 500 000 €.
En effet, la condition tenant à l’exercice d’une fonction de direction de manière continue pendant les 5 ans précédant la cession n’était pas remplie puisqu’il manquait 5 mois (soit jusqu’au 7 novembre 2027).
Estimant que l’avocat aurait dû le mettre en garde et lui conseiller de reporter la cession de ses titres au mois de novembre 2017, le contribuable l’a fait assigner au titre de la perte de chance pour manquement à ses obligations d’information et de conseil.
Il ressort de l’instruction que l’avocat avait annoncé un impôt neuf fois inférieur à celui réellement dû compte-tenu de l’abattement indû. Pour les juges de première instance comme en appel, il en résulte un manquement à son devoir d’information justifiant le versement de la somme de 28 629 € correspondant aux pénalités de retard, à une partie des honoraires de résultats et à la réparation du préjudice moral lié à l’angoisse et aux tracas résultant d’une procédure de rectification et au paiement d’un impôt d’un montant significatif.
En revanche, l’indemnisation au titre de la perte de chance en raison du manquement de l’avocat à son devoir de conseil est rejetée. En effet, même s’il avait été mieux conseillé par son avocat, le contribuable n’aurait pas pu bénéficier de l’abattement retraite dans la mesure où, en vertu des statuts et du pacte d’associé :
-la mise à la retraite du cédant par l’association le réputait démissionnaire de ses fonctions de directeur général de la SAS ;
-la cession des titres devait intervenir dans le mois de cet évènement sans pouvoir être reportée.
Pour aller plus loin :
« Titres de sociétés et instruments financiers : quelle fiscalité ? », RF 2021-5, § 6000
CA Rennes 6 février 2024, n° 23-00123
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