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Donations-Successions

Carence fautive du notaire et pacte Dutreil

Commet une carence fautive dans l’accomplissement de son devoir de conseil le notaire qui ne renseigne pas sa cliente sur l’existence et les conditions d’un dispositif fiscal, au motif que les conditions de cet avantage ne seraient pas réunies.

Le pacte Dutreil constitue le principal régime de faveur permettant de réduire le coût fiscal de la transmission à titre gratuit, par donation ou succession, d’une entreprise sociétaire ou individuelle (CGI art. 787 B et C), en réduisant la base taxable aux droits de mutation à titre gratuit moyennant la souscription d’engagements fiscaux destinés à assurer la pérennité de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation.

Sont ainsi, sous certaines conditions, exonérés de droits de succession les héritiers ou légataires des signataires du pacte, à concurrence de 75 % de la valeur des parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (sociétés opérationnelles) transmises notamment par décès.

En l’espèce, une veuve et sa fille avaient, au décès de leur mari et père, recueilli sa succession, comprenant notamment un fonds de commerce.

Suite à un redressement de l’administration fiscale, l’une des héritières avait assigné le notaire chargé de la succession en responsabilité, notamment pour manquement à son devoir de conseil concernant la possibilité d’invoquer une exonération partielle Dutreil sur cet actif.

Si le notaire reconnaissait ne pas avoir renseigné sa cliente sur l’existence de ce dispositif fiscal, il arguait pour légitimer cette abstention, que les conditions d’application de l'avantage fiscal n’étaient pas réunies ; l’héritière ayant manifesté sa volonté de vendre le fonds de commerce.

Les juges rejettent ce moyen. Dès lors que la consistance de la succession était susceptible, sous certaines conditions, de permettre à ses héritiers de bénéficier d’abattements fiscaux, et même si aucune question ne lui avait été posée en ce sens, le notaire était tenu d’en aviser sa cliente, sans préjuger de sa position et de sa profession au moment du décès.

Quand bien même l’héritière aurait, originellement, manifesté sa volonté de vendre le fonds, le notaire ne pouvait supputer, sans commettre une carence fautive dans son devoir de conseil, de ce que celle-ci aurait décidé en étant dûment informée des conséquences fiscales de son choix.

Pour aller plus loin :

« Transmission d'entreprise », RF 2022-5, § 3000

CA Rouen 22 novembre 2023, n° 22-00275

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