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Secret professionnel

L'atteinte au secret des correspondances ne vicie pas automatiquement la procédure

Le Conseil d'État a rappelé que la violation du secret des correspondances entre un avocat et un contribuable entraîne la décharge des impositions si les rectifications sont effectivement fondées sur les informations révélées par ces correspondances.

En 2000, la dirigeante d'une société française , a transféré son domicile fiscal en Belgique. En 2011, elle a créé une société holding belge dont elle est devenue la gérante et à laquelle elle a apporté 99,48 % des titres de la société française.

En juillet 2011, alors qu'elle voyageait en train entre Luxembourg et Paris, elle a fait l'objet d'un contrôle du service des douanes. Ce dernier a découvert un email qui lui avait été adressé par son avocate, présentant les solutions juridiques lui permettant de continuer à intervenir dans l’exploitation de la société française, sans en être la présidente ni avoir d’activité en France, de manière à ne pas être soumise aux cotisations sociales ou à l’impôt en France. Les agents des douanes ont communiqué copie de ce courrier à leurs collègues des services fiscaux.

La société française a ensuite fait l’objet d’une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l’administration fiscale française a réintégré aux résultats imposables à l’IS déclarés par la filiale française les paiements effectués au profit de sa société mère belge au titre des exercices clos en 2011 et 2012, en appliquant à ces rehaussements la majoration de 80 % prévue en cas de manœuvres frauduleuses.

La procédure a été jugé irrégulière par la Cour administrative d'appel de Versailles, considérant que le service fiscal s’était, pour fonder les rectifications notifiées à la filiale française, expressément appuyé sur le courrier adressé par son avocate à la dirigeante, couvert par le secret professionnel et transmis à l’administration fiscale sans l’accord de l’intéressée.

Le Conseil d'État a rappelé que la confidentialité des correspondances entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint. Lorsque le client n'a pas donné son accord à la levée du secret professionnel, l'administration fiscale ne peut régulièrement se fonder sur le contenu de telles correspondances pour établir une imposition ou justifier l'application d'une majoration.

Toutefois, en jugeant que l'administration fiscale, en prenant connaissance du contenu de cette correspondance et en s'y référant, avait entaché la procédure d'imposition suivie à l'égard de la société française d'une irrégularité de nature à entraîner la décharge des impositions en litige, sans rechercher si, ainsi que le ministre le soutenait devant elle, ces impositions trouvaient leur fondement non dans la correspondance en cause mais dans les renseignements transmis par l'autorité compétente belge dans le cadre de la procédure d'assistance administrative prévue par la convention fiscale franco-belge, le Conseil d'État a estimé que la cour administrative d'appel avait commis une erreur de droit. Ainsi, l'affaire est renvoyée devant les juges d'appel.

Pour aller plus loin :

- « Dictionnaire fiscal », 2024, § 61210

CE 28 février 2025, n° 486336

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