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Nouveau rapport de la Cour des Comptes : comment réformer les droits de succession ?

Dans son rapport de juin 2024 publié sur son site le 25 septembre 2024, la Cour des comptes s’interroge sur une réforme possible des droits de succession à rendement constant fondée sur un resserrement du pacte Dutreil et des avantages fiscaux de l’assurance-vie permettant une baisse ciblée des taux en ligne collatérale et au profit des enfants du conjoint.

Un impôt dynamique

Le montant des recettes de droits de succession, assis sur la part de l’actif successoral net reçue par chaque bénéficiaire, a plus que doublé entre 2011 (7,0 Md€) et 2023 (16,6 Md€).

Cette tendance s’explique par des évolutions législatives, par l’augmentation du nombre des décès, et, jusqu’en 2022, par une augmentation de la valeur des actifs, notamment immobiliers.

L’âge moyen des bénéficiaires des successions en ligne directe est aujourd’hui d’environ 50 ans, contre 30 ans au début du XXe siècle.

Sur un échantillon de 39 États membres de l’OCDE ou de l’Union européenne, la France se caractérise par l’imposition la plus élevée avec un poids de cette fiscalité de 0,74 % du PIB en 2021.

Une assiette réduite par trois dispositifs dérogatoires

L’assiette des droits de succession est fortement réduite par trois dispositifs :

-en matière de transmission d’entreprise : le pacte Dutreil favorise la transmission des entreprises opérationnelles en réduisant de 75 % la base taxable aux droits de mutation à titre gratuit moyennant la souscription d’engagements fiscaux destinés à assurer la pérennité de l’entreprise et la poursuite de l’exploitation (CGI art. 787 B et 787 C) ;

-dans le cadre de l’assurance-vie : les primes versées au décès de l’assuré bénéficient d’un régime fiscal de faveur (CGI art. 757 B et 990 I). Ainsi, seule est imposable aux droits de succession, la fraction de primes supérieure à 30 500 €, versée après les 70 ans de l’assuré, lorsque le contrat a été souscrit après le 20 novembre 1991. Les primes versées depuis le 13 octobre 1998 qui ne sont pas soumises aux droits de succession font l’objet d’un prélèvement sui generis sur la part recueillie par le bénéficiaire supérieure à 152 500 €, à hauteur de 20 % jusqu’à 700 000 € puis de 31,25 % au-delà ;

-enfin, le démembrement de propriété permet de réduire le coût de la transmission à titre gratuit en calculant les droits sur une assiette minorée après application d'un barème tenant compte de l’âge de l’usufruitier (CGI art. 669). Par ailleurs, au décès de l’usufruitier ou au terme fixé, l’usufruit qui s’éteint entraîne la reconstitution de la pleine propriété sur la tête du nu-propriétaire sans taxation supplémentaire (CGI art. 1133).

Les avantages fiscaux procurés par ces dispositifs dérogatoires croissent avec le montant de la succession : pour les successions en ligne directe de plus de 2,5 M€, ils seraient équivalents à une baisse de 15 points du taux moyen de taxation. Cette incidence régressive est liée à la concentration des actifs professionnels et des contrats d’assurance-vie parmi les ménages les plus aisés.

Les voies d’une réforme à rendement constant

La Cour des comptes préconise une réforme des droits de succession à rendement constant, compte tenu de la situation des finances publiques d’une part, et de la faible acceptation sociale de cette imposition et de son poids déjà élevé en comparaison internationale d’autre part.

Elle relève cependant que les données chiffrées relatives aux droits de succession sont parcellaires en France. À la suite de l’interruption des enquêtes DMTG, en 2010, la DGFiP dispose aujourd’hui uniquement, outre des recettes fiscales totales, du nombre de successions et de donations taxées.

Le paramétrage d’une réforme équilibrée nécessite donc au préalable un effort d’amélioration de ces données.

Sous cette contrainte, elle propose une réforme qui concilierait :

-un ciblage du pacte Dutreil (par un durcissement de la condition de durée de détention des actifs et l’exclusion de certains actifs de l’assiette) et de l’assurance-vie (par un resserrement des avantages fiscaux sur les produits finançant plus directement l’économie) ;

-avec une baisse des taux, en faveur notamment des collatéraux (seules deux tranches d’imposition sont applicables aux successions entre frères et sœurs, à hauteur de 35 % lorsque la part nette taxable est inférieure ou égale à 24 430 €, et à hauteur de 45 % lorsqu’elle est supérieure à ce montant. Par ailleurs, un taux unique de 55 % s’applique, quelle que soit la fraction taxable, lorsque la succession bénéficie à des neveux ou nièces ou à d’autre parents jusqu’au quatrième degré), ou des enfants du conjoint (considérés par le droit fiscal comme des « non-parents » : un taux unique de 60 % et un abattement de 1 594 € s’appliquent donc aux successions leur bénéficiant), pour tenir compte de l’évolution des structures familiales

À noter. Concernant les transmissions en démembrement de propriété, la Cour des comptes relève que « l’absence d’imposition de la transmission de l’usufruit, à l’occasion de la reconstitution de la pleine propriété, n’apparait pas comme une conséquence obligatoire du démembrement, d’autant plus que les biens ainsi transmis ont souvent gagné en valeur entre la donation en nue-propriété et la reconstitution de la pleine propriété »...Affaire à suivre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024.

Cour des comptes, « Les droits de successions », rapport communiqué à la commission des finances de l’Assemblée nationale, juin 2024 ; www.ccomptes.fr

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