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Les contours du rapport des donations antérieures

Opération préalable au partage des biens héréditaires, la jurisprudence précise les contours du rapport des libéralités antérieures.

Le rapport des libéralités a vocation à assurer l'égalité entre les héritiers, en partant du principe que les libéralités antérieures reçues du défunt ne constituaient qu'une avance sur sa succession. Pour faire respecter cette égalité au moment du décès, les donations antérieures doivent ainsi être rajoutées (« rapportées ») à la succession qui se répartit ensuite entre les héritiers.

En principe, l'héritier gratifié conserve le bien donné et impute la valeur de celui-ci sur ses droits dans la succession (c. civ. art. 843).

Le débiteur du rapport : pas le conjoint de l’héritier ni ses enfants

Le rapport des libéralités n’est dû que par l’héritier désigné par la loi personnellement gratifié par le défunt (peu importe l’ordre auquel il appartient : descendants, ascendants, collatéraux et conjoint), ce qui exclut le conjoint de l’héritier, fût-il commun en biens (cass. civ., 1re ch., 4 juillet 2018, n°17-22269).

Dans cette affaire, un père avait vendu un terrain à sa fille et à son mari. Suite au décès du donateur, son fils avait contesté l’opération d’acquisition par sa sœur et demandé la requalification de l'opération en donation déguisée. Aux fins de rapport à la succession du père de la donation déguisée, l’arrêt d’appel avait considéré que l’époux de la fille, coacquéreur du terrain, devait être mis en cause, dès lors que la qualification en donation déguisée concernait l’ensemble du bien vendu.

Mais la cour de cassation a cassé et annulé la décision en rappelant que le rapport des libéralités à la succession n’est dû que par les héritiers ab intestat.

De la même façon, lorsque des dons et legs ont été consentis à des petits-enfants, leur père, appelé à la succession au décès du donateur, n’est pas tenu de les rapporter (cass. civ., 1re ch., 6 mars 2019, n°18-13236).

Quid du rapport des donations consenties par des époux mariés sous la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au survivant ?

Lorsqu’un bien commun est donné conjointement par les deux époux, il est considéré comme donné pour moitié par chacun des deux époux. Par conséquent, le bien donné est rapportable pour moitié dans chacune des successions des père et mère. Mais qu’en est-il lorsque les deux époux donateurs ont, par la suite, adopté le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au profit du survivant ?

Dans une première affaire, un père avait consenti une donation à l’une de ses filles. À son décès, son autre fille, non gratifiée, avait introduit une demande d’ouverture d’une procédure de partage judiciaire de la succession.

Pour rejeter sa requête, la cour d’appel retient qu’il n’y a aucune masse successorale à partager par l’effet de l’adoption par le donateur du régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au conjoint survivant.

La cour de cassation casse et annule. Selon elle, la succession du donateur s’étant ouverte à son décès, l’héritière réservataire non gratifiée pouvait prétendre au rapport et à la réduction des libéralités qui, consenties par le défunt avant le changement de régime matrimonial, avaient pour objet un bien qui n’était pas entré en communauté (cass. civ., 1re ch., 17 avril 2019, n°18-16577).

Dans une seconde affaire, des époux, mariés sous le régime de la communauté légale, avaient fait donation de la nue-propriété d’un immeuble à leur fille unique. Ils avaient ensuite adopté le régime de la communauté universelle avec attribution intégrale au survivant. L’épouse décède en premier. Le mari, veuf, décède à son tour laissant pour lui succéder sa fille donataire et un autre enfant.

Se posait alors la question du rapport à succession de la donation consentie. Celui-ci devait-il se faire à la succession du survivant des donateurs pour la totalité de la valeur du bien donné ou bien pour la moitié seulement ?

Pour la cour d'appel, le rapport devait se faire à la succession du survivant pour la totalité du bien donné dans la mesure où le donateur survivant était attributaire de l’intégralité de la communauté à lui transmise à la suite du décès de son épouse.

La cour de cassation casse et annule. Selon elle, en l’absence de clause particulière dans l’acte de donation, seule la moitié de la valeur du bien objet de la donation était rapportable à la succession (cass. civ., 1re ch., 17 avril 2019, n°18-16577).

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