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Plus-values des particuliers

Apports réalisés avant 2017 : nouvel exemple de soulte fixée artificiellement sous les 10 %

Une nouvelle décision des juges d'appel illustre la notion de soulte abusive dans le cadre d'un apport réalisé avant 2017 sous le bénéfice du report d'imposition obligatoire, notamment lorsque l'apporteur était seul décisionnaire.

Différés d’imposition antérieurs à 2017 et stipulation d’une soulte

Afin de favoriser les restructurations d’entreprise susceptibles d’intervenir par échange de titres qui ne dégagent pas de liquidités, le législateur a institué des mécanismes de sursis ou de report d’imposition permettant de différer l’impôt sur la plus-value (impôt sur le revenu, contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et prélèvements sociaux) afin d’éviter que l’apporteur soit contraint d’acquitter immédiatement l’impôt correspondant (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter).

L’apport de droits sociaux rémunéré par d’autres droits sociaux s’analysant comme un contrat d’échange, il peut stipuler une soulte pour équilibrer l’opération.

Si le montant de la soulte reçue par le contribuable excède 10 % de la valeur nominale des titres reçus, la plus-value d’apport demeure immédiatement imposable (CGI art. 150-0 B, al. 3 et 150-0 B ter, I, al. 2). En revanche, si la soulte n’excède pas 10 %, la plus-value d’apport est éligible au sursis ou au report d’imposition.

Dans le cadre des apports avec soulte réalisés avant 2017, le différé d’imposition bénéficiait à la totalité de la plus-value d'apport lorsque le montant de la soulte n’excédait pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1918 du 29 décembre 2016). Toutefois, l’administration fiscale est susceptible, sur le terrain de l’abus de droit fiscal (LPF art. L. 64), d’imposer la soulte inférieure à 10 % s’il s’avère que cette opération ne présentait pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport et qu’elle était uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender, en franchise immédiate d’impôt, des liquidités détenues par la société bénéficiaire de l’apport contrairement au but poursuivi par le législateur.

Nouvelle illustration de soulte jugée abusive

Dans l’affaire soumise à la Cour administrative d’appel de Paris, un contribuable avait apporté, en décembre 2015, à une holding en cours de constitution et dont il détenait 100 % des parts, l’ensemble de ses parts dans plusieurs sociétés. En contrepartie de son apport, il avait reçu 20 100 parts de la holding d’une valeur de 100 € et une soulte de 196 859,40 € (égale à 9,79 € de la valeur nominale des titres reçus) portée au crédit de son compte courant dans la holding.

Si l’administration fiscale n’a pas remis en cause les motifs économiques à l’origine de la constitution de la holding, elle a remis en cause, à concurrence de la soulte, le bénéfice du report d’imposition de la plus-value d’apport.

Pour valider cette remise en cause de la soulte, la Cour administrative d’appel a retenu les éléments suivants :

-le contribuable étant la seule partie au contrat d’apport, cela renforçait son pouvoir décisionnaire quant au choix de limiter le capital de la société bénéficiaire à la somme de 2 010 000 € alors que les titres apportés avaient été valorisés à 2 206 859,40 € afin de percevoir une soulte d’un montant légèrement inférieur à 10 % de la valeur nominale des titres reçus en rémunération de l’apport sous le bénéfice du report d’imposition ;

-la mise à disposition de la soulte n’était pas justifiée par la nécessité de compenser un quelconque déséquilibre entre les actionnaires dans la parité d’échange, dès lors que l’apporteur détenait 100 % du capital de la société bénéficiaire de l’apport ;

-le paiement de la soulte était financé par des produits distribuables contenus dans la filiale apportée.

À noter. Pour les apports réalisés depuis le 1er janvier 2017 (loi 2016-1918 du 29 décembre 2016, art. 32), la plus-value d’apport ou d’échange est imposée immédiatement à hauteur de la soulte inférieure ou égale à 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B, al. 3 et 150-0 B ter, I.al. 2). Ainsi, le différé d’imposition ne s’applique qu’à la différence entre le montant de la plus-value d’apport ou d’échange et celui de la soulte.

Pour aller plus loin :

« Titres de sociétés et instruments financiers », RF 2021-5, § 7318

CAA Paris 28 juin 2024, n° 22PA03676

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