Fiscal,Patrimoine
Placements financiers et droits sociaux
Portefeuille titres : que faire des titres sans valeur ?
La radiation des titres d’Euronext et le fait que les titres soient déclarés « sans valeur » ne suffisent pas, à eux seuls, à supprimer les titres visés d’un compte-titres.
Que faire des titres figurant dans un compte-titres ordinaire dont la société émettrice, autrefois cotée puis radiée, a été placée en liquidation judiciaire ?
Dans l’affaire soumise au médiateur de l’AMF, la procédure de liquidation judiciaire prononcée le 18 décembre 2009 à l’encontre de la société émettrice des titres détenus en portefeuille était toujours en cours.
Par suite, les titres avaient été valorisés à zéro mais non supprimés du compte, l’établissement bancaire indiquant que la mesure de suppression ne pourrait être réalisée que lorsque la société serait dissoute pour insuffisance d’actifs.
Dans l’attente, les droits de garde continuaient à être prélevés.
Le médiateur a alors proposé de convertir en nominatif pur les titres (la détention s’effectuant directement auprès de la société et non plus auprès d’un intermédiaire financier), permettant de retirer la ligne du compte-titres et de stopper les droits de garde sans attendre la clôture des opérations de liquidation, et ce, sans conséquence fiscale préjudiciable.
Étant précisé que, dès l’année du jugement prononçant la liquidation judiciaire, les contribuables ont la possibilité d'opter pour l’imputation anticipée de leurs moins-values sur des plus-values de même nature (CGI art. 150-0 D, 12).
En présence de sociétés émettrices en liquidation judiciaire, le médiateur recommande aux établissements bancaires de proposer les différentes options possibles : conservation des titres, désistement, cession pour 1 € symbolique au teneur de comptes ou conversion des titres au nominatif pur, ainsi qu'il ressort du tableau suivant.
Option* | Avantages | Inconvénients |
Conservation des titres en portefeuille | Pour un compte-titres ordinaire : possibilité d’imputer de manière anticipée la moins-value (CGI art. 150-0 D, 12) sous réserve de respecter les obligations déclaratives (CGI art. 74-0 G). Spécificité pour le PEA : pas d’imputation anticipée. La plus ou moins-value s’apprécie de manière globale lors de la clôture du plan et correspond à la différence entre : la valeur liquidative du plan à la date de la clôture du plan et le montant des versements effectués sur le plan depuis son ouverture, compte non tenu de ceux afférents aux précédents retraits ou rachats n'ayant pas entraîné la clôture du plan. | Ligne susceptible d’être soumise au prélèvement de droits de garde jusqu’à clôture de la liquidation judiciaire, sauf à ce que le teneur de compte n’en exonère les clients, dans le cas d’une bonne pratique qui tend à se généraliser. Il arrive que la ligne ne soit pas valorisée à zéro mais conserve, bien des années après, la dernière valorisation avant la radiation de cotation. Si le teneur prélève tout de même des frais, le médiateur de l’AMF considère que l’établissement prend le risque de se voir contester le prélèvement au motif que la contrepartie existe mais qu’elle est illusoire ou dérisoire, les titres étant sans valeur. Spécificité pour le PEA : la présence de titres, même valorisés à zéro, empêche la clôture du PEA, tant qu’ils n’en sont pas retirés. |
Désistement (ou abandon volontaire des titres par le client) | Permet de supprimer la ligne du portefeuille et présente donc un intérêt notamment lorsque la clôture du compte est précisément empêchée par la présence de titres dont l’émetteur est en liquidation judiciaire. | Le désistement vaut renonciation définitive à tout droit de créance éventuelle, présente ou future, relative aux titres abandonnés, y compris l’attribution d’un boni de liquidation et la possibilité éventuelle d’une imputation de moins-value. Ce désistement est fortement à déconseiller si l’imputation anticipée de la moins-value est préalablement intervenue. |
Cession pour 1€ symbolique au teneur de comptes | Solution négociée par le médiateur à l’occasion d’un dossier. Permet de supprimer la ligne du portefeuille et présente donc un intérêt notamment lorsque la clôture du compte est précisément empêchée par la présence de titres en liquidation judiciaire. Évite d’avoir à créer un compte-titres à ce seul effet et de se voir, le cas échéant, prélever des droits de garde. Ne prive pas le client de la faculté d’imputer sa moins-value, s’il ne l’a pas déjà imputée de façon anticipée. | Pas d’inconvénient, cependant la solution n’est pas acceptée par tous les établissements, elle est examinée au cas par cas. |
Conversion des titres au nominatif pur | L’option de la conversion au nominatif pur entraîne de facto la sortie des titres de sociétés en liquidation du portefeuille du client évitant ainsi à celui-ci de supporter des droits de garde tout en sauvegardant ses intérêts dans la perspective d’une éventuelle indemnisation. Spécificité pour le PEA : depuis le 24 mai 2019, le retrait sans frais d’un titre du PEA au motif que l’émetteur est en liquidation judiciaire n’entraine plus la clôture du plan ou l’impossibilité d’effectuer de nouveaux versements, et ce, quelle que soit l’ancienneté du PEA (c. mon. et fin. art. L. 221-32, IV). Cette disposition permet au teneur de compte de convertir ensuite les titres au nominatif pur, si les conventions de compte d’instruments financiers le permettent. | Procédure subordonnée à la réception par le teneur de comptes d’une « Securities info » de la part d’Euroclear France pour les informer de cette opération spécifique. |
* Certaines des options peuvent être plus complexes à mettre en œuvre s’agissant de valeurs étrangères |
Journal de bord du médiateur de l’AMF, 3 avril 2023, (amf-france.org)