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Patrimoine,Fiscal Contrôle et contentieux fiscal La garantie contre les changements de doctrine fiscale ne s’applique pas en cas de montage artificiel Statuant dans sa formation de jugement la plus solennelle, le Conseil d’État juge que l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, qui protège le contribuable des changements dans l’interprétation des textes fiscaux par l’administration, ne s’applique pas dans le cas d’un montage artificiel constitutif d’un abus de droit. Rappel du mécanisme de la garantie contre les changements de doctrine La loi protège les contribuables des changements d’interprétation par l’administration des textes fiscaux (LPF art. L. 80 A). Cette garantie permet au contribuable d’obtenir gain de cause, en cas de différend avec les services fiscaux, s’il s’appuie sur une interprétation de la loi fiscale qui a été admise par l’administration, par exemple dans des circulaires, des instructions ministérielles ou dans le BOFiP. Le contribuable peut se prévaloir de cette interprétation administrative, même si elle est contraire à la loi fiscale. L’application de la doctrine fiscale n’est pas constitutive d’un abus de droit Dans un avis du 8 avril 1998, le Conseil d’État avait décidé que, dans l’hypothèse où un contribuable n’a pas appliqué les dispositions mêmes de la loi fiscale, mais a seulement entendu se conformer à l’interprétation contraire à celle-ci qu’en avait donnée l’administration dans une instruction ou une circulaire, celle-ci ne peut faire échec à la garantie que le contribuable tient de l’article L.80 A du LPF et recourir à la procédure de répression des abus de droit (LPF art. L. 64) en se fondant sur ce que le contribuable, tout en se conformant aux termes mêmes de cette instruction ou de cette circulaire, aurait outrepassé la portée que l’administration entendait en réalité lui conférer (CE 8 avril 1998, n° 192539). Autrement dit, selon cet avis, l’administration fiscale ne peut pas augmenter l’impôt d’un contribuable en soutenant que l’interprétation de la loi sur laquelle ce contribuable s’est appuyé, contenue dans la doctrine administrative, dépasserait la portée qu’elle entendait donner à celle-ci. Mais cet avis a été rendu sous l’empire de l’article L 64 du LPF en vigueur avant 2009. La garantie ne s’applique pas dans le cas d’un montage artificiel constitutif d’un abus de droit Dans sa décision du 28 octobre 2020, le Conseil d’État juge que toutefois, l’administration peut mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du LPF dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2009, et faire échec au mécanisme de la garantie si elle démontre, par des éléments objectifs, que la situation à raison de laquelle le contribuable entre dans les prévisions de la loi, dans l’interprétation qu’en donne le ministre par voie d’instruction ou de circulaire, procède d’un montage artificiel, dénué de toute substance et élaboré sans autre finalité que d’éluder ou d’atténuer l’impôt. L’article L. 64 du LPF permet donc à l’administration fiscale de ne pas tenir compte, pour l’établissement des impôts, des actes constitutifs d’un abus de droit, et notamment, des actes qui caractérisent une fraude à la loi. Parmi ceux-ci, figurent les montages artificiels dénués de toute substance et élaborés sans autre finalité que d’échapper à l’impôt. Le Conseil d’État précise toutefois que, si l’administration fiscale peut sanctionner les montages artificiels sans que la garantie contre les changements de doctrine ne puisse lui être opposée, celle-ci a cependant la charge de démontrer, par des éléments objectifs, l’existence d’un tel montage. Les faits de l’affaire L’affaire portait sur l’abattement pour durée de détention applicable sur les plus-values de cession des titres par des dirigeants prenant leur retraite. L’administration accordait le bénéfice de l’abattement pour durée de détention en vigueur jusqu’en 2013 au contribuable détenant au maximum 1% des droits de vote de l’entreprise cessionnaire (BO 5 C-1-07, § 65 du 22 janvier 2007). Notons que la même tolérance s’applique dans le régime d’abattement actuel (BOFiP-RPPM-PVBMI-20-30-30-40 § 510-04/03/2016 ; voir « Titres des dirigeants : quelle fiscalité », RF 2018-4, § 6053). Le contribuable avait cédé à une SCI les titres qu’il détenait dans une société B pour ramener sa participation dans B en deçà du seuil de 1%. Puis, le lendemain, il avait cédé à cette société B les titres d’une SAS dont il était le dirigeant et suite à son départ en retraite, avait appliqué à la plus-value réalisée à cette occasion un abattement pour durée de détention de 100%. Le montage avait permis au contribuable de pratiquer l’abattement et de percevoir le gain de cession des titres de la SAS en franchise d’impôt sans se défaire définitivement des titres de la société cessionnaire, dont il a retrouvé la disposition, juste après l’expiration du délai de trois ans en rachetant avec son épouse, pour leur valeur d’acquisition, les parts de la SCI. Le Conseil d’État juge que la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris 20 décembre 2018, n° 17PA00747) a pu, sans commettre d’erreur de qualification juridique, déduire de ces constatations que ce montage, dénué de toute substance et élaboré sans autre finalité que d’éluder le paiement de l’impôt sur la plus-value réalisée lors de la vente des titres de la SAS à la société B présentait un caractère artificiel. Dernier point tranché par la décision du 28 octobre Dans la branche de l’abus de droit relatif à la fraude à la loi, peuvent être écartés les actes qui recherchent le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Le Conseil d’État précise que le terme « décision » ne peut être interprété comme faisant référence aux instructions ou circulaires émanant de l’administration fiscale et dont les contribuables peuvent se prévaloir sur le fondement de la garantie contre les changements de doctrine. Il écarte sur ce point l’analyse de la Cour administrative d’appel de Paris. Pour aller plus loin : voir « Contrôle fiscal », Livre des procédures fiscales annoté, Jean-Pierre Casimir, CE 28 octobre 2020, n° 428048
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Date: 21/11/2024 |