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Plus-values des particuliers

Opération d’échange avec soulte abusive : nouvelle illustration

Dans le cadre des apports antérieurs à 2017 relevant du sursis ou du report d’imposition, le versement de soultes ayant un objectif exclusivement fiscal d’appréhension de liquidités en franchise d’impôt en contradiction avec les objectifs du législateur constitue une fraude à la loi.

L’apport de titres par une personne physique constitue, en principe, un fait générateur d’imposition des plus-values des particuliers (CGI art. 150-0 A). Toutefois, certains apports de titres à des sociétés IS assimilés à des restructurations d’entreprises peuvent bénéficier d’un différé d’imposition (sursis ou report d’imposition) (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter).

Pour les apports réalisés jusqu’au 31 décembre 2017, lorsque l’apport est rémunéré pour partie par une remise de titres de la société bénéficiaire et pour partie par le versement d’une soulte par la société, cette soulte ne remet pas en cause le sursis ou le report d’imposition qui s’applique intégralement à la plus-value d’apport, y compris pour la soulte appréhendée par le contribuable sous réserve qu’elle n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B et 150-0 B ter dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2017).

Toutefois, pour ces opérations, l’administration s’est réservé la possibilité, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal, d’imposer la soulte inférieure à 10 % lorsqu’il apparaît que celle-ci était dépourvue d’intérêt économique pour la société bénéficiaire et avait eu pour seul objectif une appréhension de liquidités en franchise d’impôt pour l’apporteur, contraire à l’intention du législateur qui est de faciliter les opérations de restructurations d’entreprises.

L’affaire soumise à la cour administrative d’appel de Paris en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, le contribuable avait fait apport en 2013, à une holding qu'il contrôlait, de plusieurs parts détenues dans deux sociétés en contrepartie desquelles il avait reçu des parts de la société bénéficiaire ainsi qu’une soulte de 8 666 637 € représentant 8,88 % de la valeur nominale des titres reçus. Les plus-values réalisées et la soulte perçue à l’occasion de cette opération avaient été placées en report d’imposition obligatoire (CGI art. 150-0 B ter).

À l’issue d’un contrôle sur pièces, l’administration, ayant estimé que le versement de la soulte était constitutif d’un abus de droit, a remis en cause le bénéfice du report d’imposition.

Pour la cour administrative d’appel, il ressort de l’instruction que, par suite de la mise à disposition de la soulte au profit de l’apporteur au moyen d’un emprunt bancaire souscrit par la société bénéficiaire et remboursé un mois plus tard grâce à une distribution exceptionnelle de réserves d’une des sociétés dont les titres avaient été apportées, la stipulation d’une soulte n’avait pas eu d’autre finalité que de permettre au contribuable d’appréhender des liquidités substantielles en franchise d’impôt au détriment de la société bénéficiaire.

Les arguments du contribuable selon lesquels l’opération d’apport avec soulte avait eu pour objet de préparer la restructuration du groupe dans la perspective d’une succession, ou de faciliter les modalités de déroulement de cette dernière, n’ont pas été retenus faute de preuve. A également été écarté le bénéfice de la Directive fusions imposant un principe de neutralité de l’échange excluant toute imposition pour les opérations transfrontières au motif que la plus-value en cause concernait un échange de titres entre deux sociétés françaises (Directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990).

À noter : Pour les opérations réalisées depuis 2017, le législateur a prévu l’imposition immédiate des plus-values d’apport à concurrence du montant des soultes reçues inférieures ou égales à 10 % de la valeur nominale des titres reçus (CGI art. 150-0 B, al. 3 et 150-0 B ter, I.al. 2). Lorsque le montant de la soulte est supérieur à 10 %, la totalité de la plus-value est immédiatement imposable.

Pour aller plus loin :

« Titres de sociétés et instruments financiers : quelle fiscalité ? », RF 2021-5, § 7318

CAA Paris 7 décembre 2022, n° 21PA01937

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