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Patrimoine

Assurance-vie / emprunts et garanties

Devoir d’information du prêteur ou du CGP : point de départ de l’action en responsabilité de 5 ans

Le point de départ du délai de 5 ans pour exercer une action en responsabilité pour défaut de conseil court à compter du rachat pour un contrat d’assurance-vie en UC et à compter du renforcement du taux de change pour un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros.

Une action en responsabilité qui se prescrit par 5 ans :

Il résulte de la combinaison des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code de commerce que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent de l’exercer.

Point de départ : perte de chance résultant des moins-values d’un contrat d’assurance-vie en UC lors du rachat :

Sur les conseils de son conseiller en gestion de patrimoine (CGP), une personne a souscrit un contrat d’assurance-vie en unités de compte (UC) et a investi en 2010 une certaine somme dans des UC « A ». En 2014, les fonds ont été désinvestis et réinvestis dans des UC « B ».

Soutenant avoir subi une forte baisse des capitaux investis résultant d’un manquement du CGP à ses obligations de conseil, de mise en garde et d’assurer l’adéquation des supports conseillés avec le profit de risque déclaré de l’investisseur, le souscripteur a assigné le CGP en responsabilité.

La cour d’appel a déclaré l’action prescrite, le délai de 5 ans ayant commencé à courir à compter de la date de conclusion des contrats d’assurance-vie, dans la mesure où dès cette date le souscripteur savait que les supports conseillés comportaient des risques de perte en capital.

Sur pourvoi, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

Le délai de prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation d’un dommage. Or le dommage résultant du manquement d’un CGP à son devoir de conseil concernant des supports d’investissement qui consiste en la perte d’une chance d’éviter des moins-values ne peut être connu de l’investisseur qu’à l’échéance des UC constituées de produits structurés dont le résultat n’est acquis qu’à cette échéance (cass. civ., 1re ch., 21 juin 2023, n° 21-19853).

En effet, ça n’est qu’au rachat du contrat d’assurance-vie que les pertes se réalisent quand bien même le support en cause aurait fait l’objet d’un désinvestissement. Il convient donc d’évaluer le manquement au regard, non de la variation de la valeur de rachat de l’ensemble du contrat mais de la moins-value constatée sur le support modulée en considération du rendement que, dûment informé ou conseillé, le souscripteur aurait pu obtenir du placement des sommes initialement investies sur ce support jusqu’à la date de rachat du contrat.

Point de départ : perte de chance résultant du renforcement du taux de change pour un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros :

Une SCI avait souscrit deux prêts immobiliers afin d’acquérir des immeubles à des fins d’investissement locatif. Les prêts libellés en devise étrangère prévoyaient le remboursement des échéances en euros.

Considérant que ces contrats avaient eu pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur, la SCI a intenté une action en justice afin de déclarer abusives et réputées non écrites les clauses d’indexation.

Toutefois, la SCI ayant agi en qualité de professionnel en souscrivant des prêts immobiliers pour financer l’acquisition d’immeubles conformément à son objet, elle ne pouvait invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses des contrats de prêt.

C’est alors sur le terrain de l’action en responsabilité de la banque pour manquement à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde que le contentieux s’est déplacé.

La cour d’appel a déclaré l’action prescrite, le délai de 5 ans qui avait commencé à courir à compter de la date de signature des contrats de prêt étant expiré.

Sur pourvoi, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel.

Le délai de prescription d’une action en responsabilité court à compter de la réalisation d’un dommage. En faisant courir, en matière d’emprunt dans une devise étrangère, le risque du taux de change sur l’emprunteur, le dommage se manifeste lorsque du fait du renforcement du taux de change, l’augmentation des mensualités payées en euros alourdissent considérablement de crédit (cass. civ., 1re ch., 28 juin 2023, n° 22-13969).

Cass. civ., 1re ch., 21 juin 2023, n° 21-19853 ; Cass. civ., 1re ch., 28 juin 2023, n° 22-13969