Fiscal,Patrimoine
Donations Successions
Donation-partage par actes séparés : mode opératoire
Lorsque la donation-partage est consentie par actes séparés, l’acte qui procède au partage matériel des biens indivis doit résulter de la volonté du donateur et non de celle des copartagés.
La donation-partage a ceci de supérieur à la donation simple que les biens qui en sont l’objet ne sont pas soumis au rapport civil qui n’est qu’une opération préliminaire au partage. Toutefois, pour bénéficier de cet avantage civil, il convient que le donateur procède dans l’acte à la division matérielle des biens entre ses descendants (c. civ. art. 1075). Cependant, il est admis que la donation et le partage soient établis par acte séparés, pourvu que le disposant intervienne aux deux actes (c. civ. art. 1076, al. 2).
Mais qu’entend-on par acte séparé faisant intervenir le donateur ?
Dans cette affaire, un donateur avait consenti en 1995 une « donation-partage anticipée » à ses trois enfants avec attribution :
-à sa fille, de la pleine propriété de quatre biens mobiliers ;
-à ses deux fils, de la nue-propriété d’un bien immobilier, pour moitié indivise chacun.
Dans un second acte reçu en 2008, auquel était intervenu le donateur, l’un des frères avait cédé à l’autre sa quote-part indivise du bien immobilier donné, mettant fin à l’indivision.
Au décès du donateur survenu en 2013, la fille a demandé à ce que la donation consentie en 1995 soit rapportée à la succession et que sa valeur soit appréciée au moment du partage conformément à l’article 860 du code civil. Sa demande a été acceptée en appel.
Les deux frères se pourvoient en cassation au motif que le donateur avait été présent en 2008 pour donner son consentement à la vente entre eux et renoncer à sa clause révocatoire. Le donateur étant ainsi intervenu aux deux actes de donation et de partage, l’opération constituait bien une donation-partage non sujette à rapport.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Il résulte des articles 1075 et 1076, alinéa 2 du code civil que la donation-partage, même faite par actes séparés, suppose nécessairement une répartition des biens effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction et avec son concours. L’acte de 1995 qui n’attribuait que des droits indivis aux deux frères ne pouvait, à lui seul, opérer un partage. Si le donateur avait donné son consentement à la vente du bien indivis entre ses fils en renonçant à l’action révocatoire ainsi qu’à l’exercice du droit de retour, il n’apparaissait pas pour autant qu’il avait été à l’initiative de cet acte ni que le partage avait été réalisé sous sa médiation. Il en ressort que la répartition des biens n’ayant pas été effectuée par le disposant lui-même ou, tout au moins, sous sa direction, l’acte de 1995 constitue une donation simple rapportable à la succession du donateur.
Pour aller plus loin :
« Transmission d'entreprise », RF 2022-5, § 1905
« Donations - Successions », RF 2020-6, § 306
Cass. civ., 1re ch., 12 juillet 2023, n° 21-20361
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