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Précisions bienvenues sur le « mini » abus de droit

La nouvelle procédure de l’abus de droit à but principalement fiscal ne remet pas en cause certaines transmissions de patrimoine en démembrement de propriété, sous réserve que les transmissions concernées ne soient pas fictives, ainsi qu’il ressort de plusieurs réponses ministérielles.

L’abus de droit est étendu aux opérations à but principalement fiscal :

Ne sont pas opposables à l’administration fiscale les actes constitutifs d’un abus de droit. Sont passibles de la procédure de l’abus de droit (LPF art. L. 64) :

-les situations juridiques fictives ;

-les opérations effectuées dans un but exclusivement fiscal par le contribuable et désignées comme porteuses de fraude à la loi.

La loi de finances pour 2019 étend la procédure de l’abus de droit aux opérations à but principalement fiscal et non plus seulement à but exclusivement fiscal (loi 2018-1317 du 28 décembre 2018, art. 109).

Cette nouvelle procédure s'applique aux rectifications de tous impôts notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020.

À la différence de l’abus de droit pour motif exclusivement fiscal sanctionné par l’application automatique d’une majoration de 80 %, ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire (CGI art. 1729, b), le nouvel abus de droit pour motif principalement fiscal n’entraîne pas de majorations spécifiques.

Enfin, la compétence du comité de l'abus de droit fiscal est également étendue à la nouvelle procédure. Ainsi en cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du nouvel article L. 64 A du LPF, le litige peut être soumis, à la demande du contribuable ou de l’administration, à l’avis du CADF (LPF art. L. 64 A, al. 2).

Quid des transmissions en démembrement ?

Le nouveau dispositif s’attaquant aux opérations à but principalement fiscal, plusieurs praticiens s’inquiètent pour le régime juridique des donations de nue-propriété de biens, technique qui permet d’alléger les droits de donation ou de succession tout en permettant au donateur d’en garder l’usufruit. Interrogé à ce sujet, le Ministre de l’économie et des finances et le Ministre de l’action et des comptes publics précisent les contours de ce « mini » abus de droit.

La donation avec réserve d'usufruit échappe au « mini » abus de droit :

Pour ce qui est donations en démembrement de propriété, le gouvernement précise que l'intention du législateur n'est pas de restreindre le recours aux démembrements de propriété dans les opérations de transmissions anticipées de patrimoine, lesquelles sont, depuis de nombreuses années, encouragées par d'autres dispositions fiscales : évaluation fiscale de l’usufruit selon le barème et exonération des droits de mutation à titre gratuit lors de la réunion de l’usufruit à la nue-propriété, notamment (CGI art. 669 et 1133).

Ainsi, la nouvelle définition de l'abus de droit n'entraîne pas la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine telles que les donations avec réserve d'usufruit, sous réserve que ces transmissions ne soient pas fictives.

L'administration appliquera, à compter de 2021, de manière mesurée cette nouvelle faculté conférée par le législateur, sans chercher à déstabiliser les stratégies patrimoniales des contribuables.

Des précisions sur les modalités d'application de ce nouveau dispositif seront prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés (Rép. Procaccia n° 09965, JO 13 juin 2019, Sén. quest. p.3070 ; Rép. Degois n° 16264, JO 18 juin 2019, AN quest. p. 5545).

La donation avec réserve de quasi-usufruit échappe au « mini » abus de droit :

La donation de biens consomptibles par le premier usage, au sens de l’article 587 du code civil (par exemple une donation de créances monétaires), avec réserve de quasi-usufruit permet éventuellement à l’usufruitier de se servir du bien donné à charge de rendre à la fin de l’usufruit des choses de même valeur (créance de restitution au profit des nus-propriétaires).

Par ailleurs, lorsque la donation en démembrement porte sur des biens non consomptibles, les parties peuvent convenir, dans le cas de la vente du bien par la volonté conjointe de l’usufruitier et du nu-propriétaire, de reporter l’usufruit sur le prix, c’est-à-dire de constituer un quasi-usufruit au profit de l’usufruitier sur le prix de vente (c. civ. art. 621, al. 1).

Sur ces opérations patrimoniales, le Ministre de l’action et des comptes publics précise qu’il n’est pas envisagé de remettre en cause les transmissions anticipées de patrimoine et notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve que les transmissions concernées ne soient pas fictives (Rép. Malhuret n°08670, JO 27 juin 2019, Sén. quest. 3365).

En l’occurrence ces opérations patrimoniales ne sont pas fictives puisqu’elles permettent de transformer les biens donnés en dette monétaire confirmant bien l’appauvrissement du donateur et en créance monétaire participant de l’enrichissement et de la solvabilité du nu-propriétaire.

L’apport de la nue-propriété d’un bien à une société civile suivie de la donation de la toute propriété des parts échappe au « mini » abus de droit :

Interrogé sur le point de savoir si l’abus de droit à but principalement fiscal pourrait remettre en cause les opérations d’apport de la nue-propriété d’un bien à une société civile constituée par le donateur suivie de la donation de la pleine propriété des parts attribuées en rémunération de l’apport à ses enfants, le Ministre de l’action et des comptes publics maintient sa position. La nouvelle définition de l’abus de droit prévue par l’article L. 64 A du LPF n’est pas, en tant que telle, de nature à entraîner la remise en cause des transmissions anticipées de patrimoine notamment avec réserve d’usufruit au profit du donateur, sous réserve que les transmissions concernées ne soient pas fictives (Rép. Cardoux n°08630, JO 27 juin 2019, Sén. quest. p. 3365 ; Rép. Malhuret n°08407, JO 27 juin 2019, Sén. quest. p. 3365).

Dans le doute, le rescrit :

Toute personne qui souhaite sécuriser une décision fiscale peut, préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs actes, consulter par écrit l'administration fiscale. Ainsi, tout comme pour la procédure de l’abus de droit existante (LPF art. L. 64), la nouvelle procédure définie à l’article L. 64 A du LPF ne s'appliquera pas lorsqu'un contribuable aura au préalable demandé par écrit à l'administration la confirmation que cette procédure ne lui est pas applicable en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'aura pas répondu dans un délai de 6 mois à compter de la demande (LPF art. L. 64 B modifié).

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