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Fiscal,Patrimoine Contrôle fiscal Réduction de capital et abus de droit : opposition des juges du fond sur une même affaire Les opérations de réduction de capital par rachat-annulation de titres fréquentes depuis 2015 suscitent un contentieux important porté devant les tribunaux administratifs. Réduction de capital versus distribution de dividendes : le choix de la voie moins imposée L’associé ou l'actionnaire peut appréhender des liquidités sociales de deux manières : -soit à la suite d’une distribution de dividendes ; -soit à la suite d’un rachat d’actions ou de parts par la société. Depuis 2015, les sommes attribuées aux actionnaires ou aux associés à ce titre sont imposées selon le régime des plus-values mobilières des particuliers (CGI art. 112, 6°). Si les dividendes comme les plus-values mobilières sont soumises au PFU de 12,8 % et aux prélèvements sociaux, en cas d’option pour le barème progressif de l’IR, les plus-values peuvent bénéficier d’un abattement pouvant aller jusqu’à 85 % (supérieur à l’abattement de 40 % applicable aux dividendes). Par ailleurs, au niveau de l’assiette, alors que la distribution est taxée sur le montant de la somme versée, la réduction est taxée sur la plus-value. Si le choix de la voie la moins imposée n’est pas, en soi, répréhensible, le fait de procéder à une réduction de capital plutôt qu’à une distribution de dividendes peut tomber sous le coup de l’abus de droit fiscal s’il s’avère que l’opération ne présente aucune justification économique et a pour seul objectif d’appréhender des dividendes sous le régime fiscal plus favorable des plus-values en contrariété avec l’intention du législateur. Les faits Une société composée de deux associés égalitaires exerçait une activité principale de prestations informatiques consistant à éditer et exploiter un site internet. À cette activité s’ajoutait une activité de « marketing » direct sur internet (routage de courriels publicitaires) et une activité de régie sur internet consistant en un rôle d’intermédiaire entre des annonceurs et des éditeurs, fournisseurs d’espaces publicitaires en ligne. La société a cédé son site internet à une société concurrente pour un prix important. Les deux associés ont décidé de réduire le capital social par rachat de leurs titres puis de l’augmenter dans le même temps. Estimant que les deux associés avaient bénéficier d'une application littérale des dispositions du 6° de l'article 112 du CGI dans le but exclusivement fiscal d'éluder l'impôt frappant les distributions de dividendes en décidant de l'opération de réduction de capital par rachat de titres immédiatement suivie d'une augmentation de capital (en l’espèce, ils avaient bénéficié d’un abattement de 85 %), l’administration fiscale a mis en œuvre la procédure de l'abus de droit. Pour le CADF saisi, l'opération de rachat avait eu pour effet de diminuer les capitaux propres de la société afin de les adapter à son nouveau périmètre conformément aux buts économiques poursuivis par les deux associés et cogérants de cette société. En effet, à la suite de la cession de sa principale branche d’activité, la société était dotée de capitaux propres hors de proportion avec les activités subsistantes et la totalité des réserves dont elle disposait n’était pas nécessaire pour la poursuite de ces activités. Le CADF a estimé que l'ensemble des éléments portés à sa connaissance permettait de conclure que l'opération était motivée par une finalité économique propre et ne constituait pas un montage artificiel abusif (CADF, aff. 2020-24). L’administration fiscale ayant décidé de ne pas se ranger à cet avis, les juges ont été saisis. Pour le tribunal administratif de Bordeaux, l’abus de droit est caractérisé… Pour l’un des deux associés, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé qu’il y avait abus de droit au motif que le capital avait été augmenté concomitamment à la réduction et qu'il avait retrouvé son niveau initial à l’issue des opérations, démontrant que celles-ci s’apparentaient en une distribution constitutive d'un montage artificiel (TA Bordeaux 17 octobre 2024, n° 2205287). Par conséquent, même si elle ne présentait pas un caractère de récurrence, l'opération de réduction avait une motivation fiscale exclusive, à savoir de permettre à ses associés d'appréhender des dividendes sous le régime fiscal plus favorable des plus-values mobilières. …mais pas pour celui de Montreuil Pour l’autre associé, le tribunal administratif de Montreuil a jugé, au contraire, qu’en dépit de la concomitance des opérations et de l’absence de modification du nombre d’associés et de la répartition de capital entre les associés et alors même que l’opération de réduction de capital portait sur un faible montant, l’opération litigieuse ne constituait pas un montage artificiel dépourvu de toute substance économique et poursuivant un but exclusivement fiscal (TA Montreuil 7 novembre 2024, n° 2215137). À noter. En attendant la position du Conseil d’État, la prudence est de mise. Pour aller plus loin : « Titres de sociétés et instruments financiers : quelle fiscalité ? », RF 2021-5, § 3220 TA Bordeaux 17 octobre 2024, n° 2205287 ; TA Montreuil 7 novembre 2024, n° 2215137
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Date: 25/11/2024 |